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Benjamin Ferré (SKEMA 2015) au Vendée Globe : "j’ai un peu la sérénité de mon innocence"
Cinq ans après la Mini-Transat, il y est parvenu. Benjamin Ferré* (SKEMA 2015) a réussi son pari fou : le diplômé du programme Grande École alignera la proue de son voilier lors du départ du prochain Vendée Globe, le 10 novembre. Un exploit pour le trentenaire, que rien ne prédestinait au monde de la course au large. Voguant tantôt entre vents favorables et contraires, il s’est pourtant fait une place à côté des plus grands skippers mondiaux. Entretien avec un aventurier Made in SKEMA Business School.
Benjamin, votre souhait se concrétise. Vous allez participer au Vendée Globe 2024, la course mythique que rêve de disputer chaque skipper au moins une fois dans sa vie. Comment allez-vous ?
Après quatre ans de travail, on aborde la dernière ligne droite. Maintenant, l’objectif, c’est de prendre du plaisir, de se relaxer et de profiter de moments de plaisir avec ma famille et mes amis. Je suis très confiant et serein, j’ai une excellente équipe à mes côtés !
Quel est votre état d’esprit avant de monter sur votre bateau, vous êtes angoissé à l’idée d’affronter les torrents de la plus grande course du monde ?
Je ne dirais pas que je ressens de l’angoisse ou de l’anxiété, mais plus une appréhension de l’inconnu. Je ne sais pas trop ce qui m’attend. Mais, d’un autre côté, c’est surement un avantage, car certains skippers connaissent déjà la dureté de ce qu’est cette course. Moi, je n’ai jamais fait le Vendée Globe, donc j’ai un peu la sérénité de mon innocence (rires). La seule chose qui me fait peur, c’est l’abandon, c’est de subir un événement qui m’empêcherait de terminer la course.
Vous allez partager la ligne de départ aux Sables d’Olonne avec un certain Jean Le Cam, votre mentor. Qu’est-ce que cela produit chez vous ?
Je suis très heureux d’être sur la ligne de départ avec lui. Il a été une personne très importante dans tout le projet. C’est en partie grâce à lui que je suis sur cette ligne de départ et que je me suis engagé dans cette aventure. Partager l’événement avec lui, c’est génial ! Tant que nous serons en course tous les deux, je pense qu’on arrivera à prendre du plaisir. Il ouvrira la route, je n’aurai plus qu’à suivre sa trajectoire (rires) ! Notre amitié est un super exemple de ce que peut être l’échange entre les générations. La dimension intergénérationnelle est au cœur de mon projet. Il y a eu tellement de transmission et d’apprentissage de part et d’autre.
En mer, les skippers doivent lutter contre les éléments naturels, la mer, les vents contraires, les avaries, mais aussi contre leur propre fatigue. Comment comptez-vous la gérer ?
La fatigue liée à l’exercice physique est la chose la plus difficile à gérer. Nous naviguons sur des bateaux qui sont très techniques, sur lesquels les manœuvres sont très longues, très fatigantes, et en plus on ne dort pas beaucoup. J’appréhende un peu, il va falloir gérer la fatigue pendant trois mois, tout en sachant que je n’ai jamais fait ça. Quoi qu’il en soit, je naviguerai de la façon la plus sereine possible, sans me mettre en danger. Je vais bien anticiper, avoir des trajectoires sécurisées, disposer de portes de sortie, et cela peu importe les circonstances. De toute façon, ça sera un marathon ! Il ne faudra pas se fatiguer pour tenir dans la durée ! Je partirai à mon rythme.
Trois mois passés en mer, c’est long, comment allez-vous gérer la solitude ?
C’est un joli cadeau que je me fais ! A 30 ans, c’est un luxe de passer trois mois, seul sur un bateau. Il ne va vraiment pas falloir gâcher cette opportunité. Cette solitude du marin n’a jamais vraiment été une souffrance pour moi, parce que je sais qu’elle est éphémère, elle est limitée dans le temps, et, surtout, elle est choisie. Il ne faut pas oublier non plus que nous sommes suivis par des dizaines de milliers de personnes ! La solitude, on la ressent surtout dans les moments difficiles ou lors des moments de grâce, lors desquels on se dit qu’on aurait bien partagé ça avec une autre personne.
Avez-vous prévu d’embarquer des livres pendant votre périple du Vendée Globe ?
Oui, bien-sûr ! Je prévois d’embarquer Le Vagabond des étoiles, de Jack London, Le Monde du bout du monde, de Luis Sepúvelda, et Les Mains du Miracle, de Joseph Kessel, des livres d’aventure principalement !
Avez-vous déjà pensé à l’après Vendée Globe ?
J’ai envie de m’octroyer le luxe de ne rien avoir de prévu après le Vendée Globe. J’ai beaucoup enchaîné ces dernières années et j’ai vraiment envie de prendre un an pour digérer et savourer. Là, ça fait quatre ans que ma vie est planifiée et organisée. Si j’arrive à boucler la boucle, j’apprécierai de n’avoir rien de prévu.
Benjamin, votre parcours partage plusieurs valeurs communes avec SKEMA comme l’audace et l’excellence et l’ouverture sur le monde. Auriez-vous un message à diffuser auprès de la communauté SKEMA ou en direction des étudiants qui ont un rêve ?
Il faut essayer et se lancer, quel que soit l’univers. Moi-même, je ne venais pas du tout du sérail de la course au large et jamais je n’avais imaginé pouvoir être aligné au départ du Vendée Globe. C’est bien la preuve que n’importe qui peut se retrouver à n’importe quel endroit, à partir du moment où il y a une envie, une tentation. Il faut y céder ! Il faut essayer, rencontrer des gens, avoir la curiosité d’interroger les autres pour savoir quelle trajectoire suivre. Je pense aujourd’hui que le gros avantage des écoles de commerce, c’est la stimulation intellectuelle qu’on y vit mais il ne faut pas craindre de sortir des sentiers battus et des trajectoires toutes faites. SKEMA apporte ça, l’école amène la capacité de pouvoir s’adapter à n’importe quel monde. Cela n’est pas parce qu’on fait une école de commerce que la trajectoire d’un étudiant ou d’une étudiante est toute tracée : il y a beaucoup de chemins différents à emprunter…